La nudité et le naturisme de l’esprit
Le naturisme tente d’exister en tant que philosophie de vie. Une philosophie dans laquelle l’humain doit pouvoir rester et agir dans son état naturel, c’est à dire nu, pour se reconnecter aux autres et à la nature. Mais au delà des questions de nudité physique, il faut un « naturalisme spirituel ». Celui-ci est plus important que l’abandon de quelques vêtements. Comme d’habitude, je replacerai ces réflexions dans le cadre de mon métier, ici le massage, et de mes clients.
Cet article ne tente pas de promouvoir le naturisme ou la nudité dans le massage, il est important de respecter la pudeur de chacun. Il expose les approches philosophiques de ce mouvement pour mieux le faire comprendre.
Philosophies naturalistes, gymnosophiques et naturistes.
Le naturisme n’est pas seulement un état de nudité que l’on décide de partager avec d’autres. Ce n’est pas qu’un état physique, être nu est sensé permettre de faire tomber les barrières entre individus en les montrant tels qu’ils sont. Ce partage de la nudité ne peut exister qu’en acceptation de soi, de son propre corps, de ses imperfections, et par extension, cette acceptation doit créer une tolérance totale pour les autres, leur physique et leurs comportements.
Cet abandon du vêtement offre une grande sensation de liberté qui est plus que physique. C’est aussi une libération des convenances et des faux semblants. En allant plus loin, le naturisme recrée le lien entre l’Homme et la nature et doit permettre de la respecter de nouveau en retrouvant les sensations et les émotions qui nous rappellent que nous en faisons partie. Le naturisme replace ainsi son pratiquant dans des rapports directs avec les autres et avec les éléments naturels.
Le naturisme en tant que philosophie amène donc certains pratiquants à respecter une position écologique, voire végétarienne selon les sensibilités.
Je ne chercherai pas à critiquer positivement ou négativement cette philosophie de vie, d’autant plus que j’adhère à beaucoup de ses aspects.
Le naturisme, en tant que philosophie a cherché à se distinguer du simple nudisme. Elle a existé sous différents noms, tels que le naturalisme ou la gymnosophie, pour finir par s’appeler simplement “naturisme”. Dans le langage courant, le nudisme est devenu une pratique personnelle, individuelle. Le nudiste prend plaisir à être nu seul tandis que le naturiste le fait en groupe.
Ces définitions sont évidemment réductrices puisqu’on peut être nudiste, seul, et avoir une approche philosophique naturiste. De même, on peut aimer être nu en groupe sans pour autant aller plus loin que le simple plaisir de se débarrasser de ses vêtements. Mais il faut bien pouvoir nommer les choses, et comme souvent, les définitions sont différentes selon qu’on soit ou non pratiquant.
Naturisme et sensualité.
Le fait d’être nu expose tout le corps aux éléments. Se baigner nu, être exposé au soleil, au vent et même à la pluie, apporte beaucoup plus de sensations que de porter ne serait-ce qu’un mini slip. Il y a bien sûr le fait que les terminaisons nerveuses de la région du sexe et du périnée sont plus nombreuses et plus sensibles, mais pas seulement. C’est surtout la sensation de communion avec les éléments qui fait vraiment la différence, et en cela, on retrouve certains des principes du naturisme, que l’on soit seul ou non.
La sensualité est exacerbée lorsqu’on est nu. Ce qui est surprenant, c’est que l’abandon de barrières vestimentaires même minimes ne décuple pas seulement les sensations corporelles du toucher, mais développe tous les sens. Il peut paraître ainsi ridicule de manger, boire, écouter de la musique ou contempler un paysage en étant nu, pourtant, il y a réellement une sensibilité nouvelle, très développée, très sensuelle, qui se met en place dans la nudité. Le sentiment de communion directe avec les éléments est renforcée et la sensation d’un plaisir fusionnel.
C’est cette proximité qui permet de développer le sentiment d’appartenance, de vérité sans fard, et de faire de nouveau partie de la nature. Pour cela, il n’y a pas besoin d’être en groupe, le nudiste devient naturiste individuel.
Dérives intégristes et intolérances.
On ne peut évidemment pas obliger des personnes pudiques à se livrer au naturisme, ni les obliger à se promener parmi des personnes dénudées. Le vêtement fait partie de presque toutes les cultures humaines et sa fonction de protection originelle a rapidement cédé la place à une fonction sociale. Quoiqu’on en dise d’un côté ou de l’autre, la pudeur est aussi naturelle que la nudité, et il est courant chez les adolescents de se couvrir alors que leur corps se transforme ainsi que leur rapport à la sexualité et aux autres. Ceci se produit même dans des familles naturistes et les positions dogmatiques de certains parents sont affligeantes.
Certains naturistes militants voudraient imposer une “tolérance pour les autres” ce qui est évidemment impossible et montre en fait une grande intolérance individuelle.
Dans certains endroits réservés aux naturistes, on assiste à une obligation de nudité absolue qui à mon avis est loin d’une notion de tolérance. Je peux comprendre toutefois qu’on puisse se méfier d’une personne habillée venant dans un “camp” de nudistes. On peut lui prêter des intentions inavouables. En fait, je trouve personnellement que cela n’a aucune importance qu’une personne vienne voir des nudistes par curiosité, sans se mettre nue elle-même.
Quelle importance ? Pourquoi imaginer des intentions malsaines alors qu’il faut peut-être à cette personne un certain temps d’acceptation, une certaine familiarité pour oser elle-même se mettre à nu. Et en admettant qu’un voyeur s’égare dans un groupe, ses déviances ne concernent que lui, il finira par partir tout simplement par le manque d’attention ou le rejet qui lui seront portés. L’abandon de ses vêtement ne supprimerait pas la concupiscence d’un nudiste pas plus qu’elle ne la génèrerait chez un « textile ».
Je me rappelle de vacances en Grèce sur certaines plages des Cyclades où chacun faisait ce qu’il voulait et les nudistes se mêlaient aux autres sans aucune gêne, que ce soit pour bronzer, discuter, jouer, ou se baigner. Un bon souvenir.
Sur cet exemple, l’idéal serait une tolérance de tous, où chacun fasse ce qu’il veut. Le vêtement retrouverait alors sa place de protection qu’il perd également dans les groupes de naturistes militants. Je trouve par exemple incongru et dangereux de pratiquer certains sports notamment les sports mécaniques, en étant nu. De même que je suis personnellement plus gêné par le port d’un bonnet de bain obligatoire en piscine, que d’un maillot de bain. C’est pour cela que je préfère me baigner seul en pleine nature.
Enfin, malheureusement la tolérance et la compréhension de l’état naturel sont rarement présents les groupes naturistes. Les regards doivent rester bien sages et ne pas se poser sur les parties sexuelles, et les manifestations naturelles du corps sont souvent réprimées.
Il faut savoir ce que l’on veut et en accepter les conséquences. Si quelqu’un vous regarde, si vous avez une érection, ce sont aussi des comportements et réactions naturelles et pas forcément les signes d’une intention sexuelle. On ne devrait pas les réprimer mais se comporter avec naturel et bien sûr ne pas se laisser aller non plus à des actes déplacés ou des paroles blessantes.
En bref, un naturiste ne devrait pas se comporter comme si des vêtements invisibles devaient continuer de le voiler ou de cacher une honte physique. De même, le naturisme n’est pas réservé aux top modèles. Une personne doit pouvoir s’y sentir bien quelque soit sont âge, son poids, son aspect ou un éventuel handicap. La sensibilité d’une personne, comme sa capacité d’aimer, ne dépendent pas de son aspect physique.
« Naturisme » spirituel
De même que les vêtements ont aussi pour fonction de masquer le corps et de donner une impression différente de la personne qui les porte, de même nous avons tous tendance à communiquer de façon à ne montrer que nos aspects les plus flatteurs. Parfois ces aspects sont réels, parfois ils sont faux et les manipulateurs savent ainsi travestir leurs actes et leurs paroles pour paraître différents de ce qu’ils sont en réalité.
Un naturisme spirituel consiste à se montrer tel que nous sommes, sans mensonge et sans crispation, dans un climat de confiance en nous et en l’autre. Il s’agit en fait de la même démarche de communion que nous ressentons avec les éléments, sauf que c’est avec les autres que nous sommes sans artifice. Je ne parle pas de nudité physique mais d’une nudité spirituelle sans artifice qui devraient tromper les autres ou pire, se tromper soi-même. C’est une pratique de vérité et de communion, il n’y a pas besoin d’être nu pour cela, mais il est intéressant de rechercher dans les sensations éprouvées par le naturisme dans la nature, pour extrapoler ces ressentis au niveau mental et se motiver à aller dans cette direction de liberté et de vérité.
Il faut se rendre compte que si les vêtements nous cachent aux autres, ils nous isolent également des sensations. De même, nos mensonges et nos faux semblants nous isolent des phénomènes réels. Aucun vrai guérisseur, chaman ou médium ne peut vivre dans le mensonge, ce serait se couper de ses perceptions. Cela peut être une piste pour démasquer les imposteurs.
De même que le naturisme du corps ne se pratique pas avec tous, ce « naturisme spirituel » doit être partagé avec des personnes choisies, à moins d’avoir soi-même une grande force intérieure qui permette d’être vrai avec pratiquement tout le monde, et simplement silencieux avec les gens vraiment mauvais.
Avec la pratique régulière, cette pratique pourra s’étendre, gagner en force et les perceptions s’accroîtront en même temps. Alliée à une pratique vraie de la méditation, l’esprit gagnera en puissance, en sensibilité et en liberté.
Le naturisme physique, par son acte d’accepter d’être nu, permet pour beaucoup d’obtenir cette grâce particulière d’un naturisme spirituel, au moins pendant un temps, sans avoir à pratiquer d’autres techniques mentales particulières. C’est aussi pour cela que beaucoup d’initiations spirituelles chamaniques se font en étant nu.
Massage et naturisme
J’ai déjà parlé du naturisme dans le massage sur ce site. Je vais reprendre ici certaines choses dans l’optique de ce qui a été écrit ci-dessus.
Le massage énergétique se pratique de préférence sur un corps nu, tout le corps doit pouvoir être massé, sauf le sexe lui-même. Personnellement, je n’oblige personne à se mettre nu si sa pudeur l’en empêche.
Concernant le massage naturiste, où le masseur et le massé sont nus, je ne le pratique que si la personne me le demande, ce n’est pas automatique comme chez certains de mes collègues. Parce qu’il n’y a pas de raison non plus d’imposer ma propre nudité si elle n’a pas été demandée. Comme le massage est un acte intime, je refuse le naturisme pour certaines demandes orientées sexuellement, et je le pratique très rarement avec des femmes à moins qu’elles ne soient elles-mêmes naturistes ou dans cette démarche. Le massage se pratique sans témoin et je préfère éviter toute ambiguïté.
Les bienfaits
Dans mon cas, la tolérance est complète vis à vis du corps de l’autre et de ses réactions. Le « naturisme spirituel » dont je parle plus haut est déjà à l’œuvre dans une méditation en mouvement pendant le massage énergétique. La nudité fait tomber les dernières barrières physiques aussi bien que mentales et les clients sont souvent surpris de la différence de puissance dans le ressenti.
Après avoir expliqué tout ce qui précède, ont comprend bien pourquoi les perceptions, la communion énergétique et la confiance passent tellement mieux alors qu’il n’y a que quelques grammes de sous-vêtement en moins.
Être prêt
Mais cela ne s’impose pas. Le contact des corps est sans garde-fou et il faut que la personne qui demande un massage naturiste soit dans un état d’esprit totalement libre et ouvert. C’est pourquoi il m’arrive de refuser si je sens que le massé n’est pas prêt, ou si la seule motivation est sexuelle, car dans ce dernier cas, les perceptions ne seront disponibles que pour le sexe et non pour le voyage qu’offre le massage énergétique.
Ce n’est pas par pruderie mais pour que la pratique soit la plus profitable possible. La sensualité du massage est déjà grande, il est sain de la ressentir voire de la rechercher, mais si la seule motivation est le sexe et la jouissance, que ce soit dans le massage ou la pratique du naturisme en groupe, c’est une dérive qui s’éloigne de la philosophie que j’ai exposée dans cet article, on est dans les faux-semblants et la manipulation au lieu d’être dans la vérité de vivre l’instant avec naturel.
Le massage naturiste idéal devrait suivre une approche philosophique physique et spirituelle. Je ne demande pas d’aller jusque là, mais j’espère toujours créer l’environnement propice à cette prise de conscience.
À bientôt…
Image en médaillon : Alexandre Deïneka, « Dombass », 1935, hommes nu
Derniers témoignages
Bonjour. Très bon article qui exprime beaucoup de choses que j’ai eu du mal à mettre en mots lorsque je parle de naturisme à des amis. Du coup j’avais toujours un peu honte et évitais le sujet.
Par contre, vous ne parlez pas de l’hygiène qui à mon avis devrait être indissociable du naturisme. Est-ce un oubli ?
J’apprécie beaucoup ce que vous faites et votre façon de penser la vie, je vous contacterai cette semaine pour un de vos massages. Ils sont connus pour être super, j’ai hâte de vivre ça.
Merci Damien. Vous avez tout à fait raison concernant l’hygiène. Le soin apporté au corps, sa propreté, sa santé, sont plus importants encore que des parures, costumes et habits. Le laisser-aller corporel va de pair avec un laisser-aller mental. L’hygiène n’est pas seulement une sorte d’obligation respectueuse pour vivre et communiquer avec les autres. L’hygiène, même en vivant seul, c’est aussi se respecter soi-même, se mettre dans les meilleures conditions physiques et mentales pour profiter du monde et de la vie. Dans le cadre de cet article, celui d’une philosophie naturiste physique ou mentale, l’hygiène est effectivement un élément indispensable. Comme pour le naturisme, on peut faire un… Lire la suite »