Je vais parler ici d’un sujet sensible. Sensible dans le sens où il concerne des émotions profondes, et parce qu’il est difficile à aborder et fait appel à des notions complexes.
Physique et émotion
Le massage énergétique, comme je l’ai souvent évoqué sur le site, entraîne une ré-harmonisation des différents « corps » de la personne massée.
Le corps physique bien-sûr, comme pour tous les types de massages, mais aussi des « corps » mentaux dont j’ai parlé dans mon article « Une personne, plusieurs corps ». Parmi ces derniers, il y un corps émotionnel qui est principalement celui que tout le monde habite au niveau de la vie consciente.
Si je reviens sur cette notion, c’est qu’elle donne des clefs pour mieux comprendre la suite, notamment les différents niveaux auxquels se situent les frontières de l’intimité.
Les émotions de base sont des ressentis qui se traduisent par des sentiments au niveau du conscient. Le corps émotionnel colore ainsi des perceptions neutres en émotions puis en sentiments primaires au niveau du conscient. C’est un processus rapide, presque automatique. Les sentiments plus élevés sont des élaboration du conscient et ne font déjà plus partie du corps émotionnel.
Viennent ensuite des couches de plus en plus élevées allant du rationnel au spirituel, voire au-delà mais cela touche un autre domaine.
Comme je l’avais dit dans mon article, le terme « corps » représente une forme de représentation de nous-même que nous habitons au même titre que le corps physique.
Ces corps apportent leurs propres perceptions et nous pouvons agir avec eux.
On aurait pu utiliser le terme « véhicule » mais je le trouve moins parlant et sujet à confusion.
Le corps émotionnel est très important. Il est directement connecté aux sens physiques, et apporte une valeur à chaque perception qui autrement serait neutre.
Par exemple, cela rend la vue de certaines choses agréables ou non. Cela sert de moteur pour réagir par attraction ou rejet. Ceci est valable pour tous les sens physiques, mais également les sens mentaux qui sont reliés à un niveau supérieur de conscience, tels que la mémoire, la réflexion ou la capacité de prévision d’un phénomène et sa projection comme projet, désir ou fantasme. Selon le vécu de la personne, les mêmes sensations entraîneront plaisir, dégoût, attachement, irritation, etc..
C’est tout un ensemble de facteurs mentaux qui vont colorer l’existence et pousser à agir dans une direction plutôt qu’une autre, en fonction de son expérience, sa sensibilité et ses prédispositions.
Presque tout le monde pense incarner principalement le corps physique. En réalité, c’est un corps mental, émotionnel, que nous habitons principalement. Le physique sert d’interface avec le monde physique, ce dernier étant peuplé d’objets qui sont neutres par essence, notre mental va transformer ces perceptions en objets agréables, repoussants, utiles, dangereux, etc.. et va nous faire agir physiquement pour rechercher ou provoquer le plaisir et fuir ou combattre la souffrance. L’image que l’on a de nous-même est quelquefois très éloignée de notre véritable aspect physique et pour certains, même un miroir est impuissant à refléter l’aspect réel de leur corps ou leur visage, tant le mental a pris le dessus sur des perceptions physiques neutres.
Intimité
La notion d’intimité est particulière à chacun. Elle peut exprimer une forme physique cachée ou protégée, comme lorsqu’on parle de « parties intimes » pour désigner les parties du corps que l’on cache aux autres, ou bien une forme mentale comme lorsqu’on parle de préserver l’intimité d’une personne en lui permettant de garder ses pensées, ses réactions et émotions pour elle-même.
Selon les personnes, l’intimité est une enveloppe plus ou moins étendue. Ainsi, pour celles ayant peu de pudeur physique, la nudité ne pose aucun problème là où d’autres n’iront pas plus loin qu’un vêtement léger même en étant seuls. De même, sur le plan mental, certains s’ouvriront en toute franchise de problèmes personnels touchant leurs relations voire leur sexualité, alors que d’autres protégeront soigneusement toute information les concernant, quitte à mentir sur leur identité ou leur vie personnelle.
Ces barrières sont différentes aussi en fonction de la connaissance des autres ou des circonstances. Nous ne sommes pas pudiques de la même façon avec tous.
Bien sûr, la culture et l’éducation interviennent aussi pour une grande part dans cette frontière. Les structures sociales permettent de maintenir, voire de régenter ces limites pour éviter tout débordement qui pourrait théoriquement se produire avec certains individus mal intentionnés. Mais on peut voir que beaucoup de ces interdits, s’ils ont été indispensables à certaines époques, créent actuellement plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Heureusement, ces interdits évoluent en fonction de la société, de la culture et des rapports humains.
Ouverture
Lors d’une relation avec quelqu’un de confiance, cette barrière de l’intimité recule ou disparaît pour pouvoir échanger de façon plus directe avec l’autre. C’est une expérience qui apporte beaucoup, que ce soit sur le plan physique ou mental. Ce simple « dénuement » fonctionne dans les deux sens en permettant à la personne qui s’ouvre de ressentir plus directement l’autre, et cela s’étend à son environnement, car ses filtres tombent pendant un instant de grâce.
Tout le monde a dû faire l’expérience d’une conversation « à cœur ouvert » avec quelqu’un, et en garde un souvenir ému et riche. Cela est vrai à tous les niveaux et physiquement, cette ouverture va du partage d’un moment de nudité à une relation sexuelle épanouie.
J’ai déjà abordé le sujet sous une autre forme dans mon article sur le naturisme : Nudité et naturisme de l’esprit.
Au niveau énergétique, cela fonctionne également, et de façon presque automatique à condition que l’énergie de l’autre soit totalement bienveillante et chargée d’amour. Dans ce cas, l’ouverture se produit en toute confiance et l’échange des énergies est naturel. C’est notamment grâce à cela que je peux agir sur les énergies d’une autre personne. Sans ce don de ma propre énergie en toute bienveillance, la personne massée resterait fermée et rien ne se passerait d’autre qu’une satisfaction passagère d’avoir reçu un massage physique agréable.
Je dis souvent : « l’intimité n’est pas à sens unique ». Cela signifie que l’ouverture se fait pour toutes les personnes impliquées à partager ce moment. Sinon, les défenses se renforcent naturellement, physiquement, mentalement, énergétiquement. Mais cette intimité bilatérale n’est obligatoire que pour l’énergétique et quelques autres disciplines du même genre, comme nous le verrons au chapitre suivant. Pour ma part, je m’efforce de toujours rester ouvert, même lors d’une conversation, afin de favoriser ce partage bilatéral d’intimité.
Transgression
Ces barrières sont fragiles, elles sont considérées instinctivement comme vitales, même si la raison n’en a pas conscience. Tout ce qui se trouve à l’intérieur semble vulnérable et ne peut s’échanger qu’avec confiance.
Cela permet aussi de comprendre que la transgression d’une intimité est un viol, physique ou mental, et représente un traumatisme qui peut être parfois aussi grave qu’une expérience mortelle.
Comme nous l’avons vu, les frontières de l’intimité sont variables aussi en fonction de la personne et des circonstances. Ainsi, il faut aussi penser à se préserver lorsque l’on se confie on que l’on s’expose. Si la personne en face n’est pas de confiance, une trahison de moments intimes exposera ceux-ci à des personnes qui devraient se situer en dehors de cette frontière. Dans ce cas, c’est une blessure. De même, les réseaux informatiques nous exposent à des personnes qui pourraient relayer des partages intimes, provoquant ainsi un traumatisme d’autant plus important que la diffusion en est large.
Pour ma part, je préserve une totale confidentialité de ce qui se passe dans mon cabinet, ou des confidences qui me sont faites. Cela fait partie d’une éthique forte chez moi.
Pourtant, en lisant certains commentaires de mes fans sur certains sites, je peux constater que certains ne respectent pas totalement cela. Heureusement, je n’en suis pas blessé car j’ai appris à rester ouvert et transparent et ma zone d’intimité reste assez réduite.
Transfert
La notion de transfert apparaît en psychanalyse. Elle fait état d’un sentiment d’attachement fort, voire amoureux envers le praticien. Le psychanalyste entre dans l’intimité de son patient qui l’accepte et se dévoile. Le soulagement, le plaisir et parfois le bonheur de cette ouverture, cette mise à nu en toute confiance crée un attachement à ces moments personnalisés par le praticien. Dans ce cadre, le patient projette sur le psychanalyste une image fantasmée en rapport avec ses problèmes et ses émotions. Avec ce que j’ai exposé plus haut sur les notions d’émotion et d’intimité, ces mécanismes se comprennent tout à fait.
Cette levée des barrières est parfois longue, mais le transfert a lieu dès que ces frontières intimes commencent à reculer. Le psychothérapeute ou l’analyste doivent gérer ce transfert avec tact, sans ouvrir leur propre intimité. Il doivent aussi gérer leur propre contre-transfert.
En ce qui concerne le massage, en plus de l’aspect émotionnel, le dénuement est d’ordre physique.
Une personne peut venir se faire masser pour un simple moment de bien-être ou pour soulager des douleurs physiques ou mentales.
La cliente ou le client doivent pouvoir se mettre en toute confiance entre les mains du masseur, sans craindre que ce dernier ne dérive en dépassant les limites acceptables de leur intimité.
C’est pourquoi la personne massée ne doit jamais hésiter à dire si un geste lui semble gênant. Un vrai masseur cessera immédiatement et notera quelle est la limite pour ce client.
Le massé ne doit pas craindre non plus ses propres réactions physiques involontaires. De son point de vue, la confiance doit être totale dans les deux sens.
Je suis toujours tristement surpris par l’intolérance voire la violence de certains masseurs face aux réactions de leurs clients. Ils ne massent pas un objet inerte, mais une personne avec ses ressentis, ses affects, ses envies, ses fantasmes, sa sensibilité et ses limites. Un emballement des sens peut se produire sans que le massé ne l’ai projeté avant le massage, c’est humain, et entre êtres humains, ce genre de dérive peut très bien se gérer avec douceur et bienveillance.
Pour un Masseur classique, Le transfert sera évité par une certaine distance, comme la différence de vêtements, en restant en tenue de massage, ainsi que par la technicité du geste qui doit rester hors de la sphère sensuelle du massé.
L’intimité n’est donc pas totalement à double sens dans ces cas là.
Pour les massages ayant une dimension plus spirituelle, ayurvédique, tao, vrai tantrique et bien sûr énergétique, l’intimité devient un espace partagé. Comme pour les arts martiaux, j’appellerai ces pratiques des massages « internes », en opposition à des massages classiques (californiens, suédois, thaï, etc..) que j’appellerai « externes ».
La forme de hiérarchie existant entre le psy et son patient, ou le masseur classique et le massé, disparaît au profit du partage d’un moment de don. C’est aussi pour cette raison que la nudité ou non du praticien ne change rien dans sa pratique, même si elle en accroît la puissance ou le ressenti.
Alors comment se passe la notion de transfert ?
Les choses deviennent plus complexes. L’échange d’énergie entre le masseur et le massé crée un espace de partage total où les émotions du massé peuvent circuler vers le masseur. L’expérience peut aller plus loin en énergétique où des aspects spirituels sont échangés, faisant de l’expérience un espace d’intimité presque télépathique. Le masseur doit constamment conduire les énergies et les émotions à travers sa concentration et son geste pour guider les énergies des deux protagonistes sans céder à un dérapage toujours possible.
Un dérapage du massé peut être de plusieurs natures. Il est généralement une émotion difficilement contrôlable, déjà présente ou enfouie, inaccessible à sa conscience, et qui ressort à ce moment. Ce peut être une grande tristesse, une joie brutale, ou plus souvent une pulsion amoureuse ou sexuelle.
Il est important pour le masseur de bien faire la différence entre les émotions du massé et les siennes pour pouvoir agir efficacement.
Pour les émotions négatives, l’identification est plus aisée mais l’énergie nécessaire est plus importante. Il faut transmettre davantage de puissance positive pour « guérir » les traumatismes d’une personne. L’expérience résultante pour le massé est un grand soulagement qui peut intervenir aussitôt ou dans les jours qui viennent. Le transfert s’il a lieu, existe dans ce cas principalement chez le massé.
Pour les émotions positives, il s’agit d’une sorte de danse énergétique à deux, le masseur devant garder la guidance de cet échange pour garantir, améliorer ou restaurer l’équilibre du massé. Une énergie positive passe sans retenue d’une personne à l’autre. Cela signifie qu’elle passe également du massé au masseur. Les émotions positives sont de différents types, dont la joie, l’enthousiasme, l’amour, qui dans ce dernier cas peut s’exprimer comme une pulsion sexuelle. Il faut donc beaucoup de force et d’ancrage au masseur pour garder le contrôle dans tous les cas. L’expérience partagée fait de ce moment un transfert bilatéral. Il est donc important pour lui de garder du recul.
C’est d’autant plus difficile que certains passages énergétiques sont ressentis comme très sensuels, et dans certains cas, lorsque la proximité physique avec le masseur est forte ou lorsqu’il y a massage du premier chakra, un éveil sexuel très puissant peut intervenir. Une concentration impeccable est indispensable de la part du masseur.
C’est aussi pour éviter toute ambiguïté qu’avec les femmes je reste vêtu et ne touche pas au premier chakra.
Dans ma pratique, l’essuyage final permet aussi de réguler l’ensemble des énergies mises en œuvre et de rétablir chacun dans son rôle. Bien sûr, le transfert continue d’exister, mais le pic émotionnel est passé et calmé, et le massé retrouve la maîtrise de lui-même comme au sortir d’un rêve.
En conclusion
Les massages « internes » offrent une dimension d’ouverture et d’échange non seulement physique mais aussi émotionnel voire spirituel. Cette ouverture crée un espace d’intimité partagée à égalité entre masseur et massé, et les émotions et le transfert résultant peuvent affecter les deux protagonistes. C’est au masseur de garder le recul et le professionnalisme indispensables au réel bien-être de son massé.
Toute dérive sexuelle risque aussi d’affecter le bénéfice apporté au client par le masseur. Sur le moment, l’énergie se condense dans un mode sexuel et défait en grande partie le travail d’harmonisation énergétique qui avait été fait.
Si ce n’est sur le moment, cela peut se produire ensuite lorsque le moment d’échange est passé. Un retour émotionnel négatif peut intervenir, allant selon les personnes, d’une forme de honte à un sentiment d’avoir dénaturé un beau moment ou une belle relation.
C’est aussi pour éviter cela que je ne fais pas de finition ou ne permet pas à ces dérives de s’accomplir durant le massage.
Pourtant, il faut bien comprendre que ces réactions ne sont pas malveillantes, qu’elles sont humaines et que pour ma part, je ne m’en offusque pas. Je les connais, les comprends et si je les refuse, je les gère toujours avec bienveillance. Agir autrement me placerait en intrus dans cette nouvelle ouverture de l’intimité de la personne massée, avec la possibilité de la blesser.
À bientôt
Médaillon : extrait de « Adam et Ève », Maarten Van Heemskerck – 1550
Statue « La Pudeur », marbre de Jean-Louis Jaley – 1833
Statue « Éros et Psyché », marbre d’Antonio Canova – 1793
Derniers témoignages